De l’AFPS.
N°16-décembre 2003
Supplément international au journal Echanges n°63 .
Version intégrale sur le site Internet www.afps.info
SOMMAIRE :
• Editorial par Rosène de Saint Hilaire
• Infos en bref et en vrac
• Bourses de l’AFPS
• Formation initiale : un point de vue québecois .
• La conférence internationale des ONG de l’UNESCO
• Déontologie et psychologie de l’éducation .
Editorial
A la suite du travail effectué de longue date par Jean Claude Guillemard et plus récemment par Eva Unterlass, le Comité d’Administration de décembre 2OO2 m’a confié la responsabilité de la Commission Internationale, rattachée au Département Relations Internes et Externes de l’AFPS.
Une commission internationale ?
N’est-ce pas de l’ordre du superflu en ces temps de restrictions de notre champ d’action, et d’urgence à défendre nos prérogatives ici et maintenant, dans le cadre de l’Hexagone ?
Le propos n’est pas de répondre à cette boutade mais de rappeler que dans ces temps de frilosité générale, le psychologue est celui qui est supposé » être au courant » de l’universalité des mécanismes internes qui régissent le fonctionnement du psychisme humain.
La défiance envers celui qui diffère, envers celui qui est étranger, est une tentation aussi millénaire que multiculturelle. Elle est le symptôme de la peur de l’Autre, reflet de cette propre peur de nous même, de « l’inquiétante étrangeté », de celui qui nous empêche de fonctionner en rond.
La création d’une Commission internationale au Congrès d’Orléans en 1979 indique l’option d’ouverture de l’AFPS.Elle témoigne d’une volonté de découverte, de communication, d « alliance » avec ceux qui pratiquent hors de « chez nous » dans une langue différente avec des codes nous semblant parfois singuliers.
La confrontation de nos pratiques et de nos référents théoriques se font par l’appropriation de leurs travaux t en ces lieux de brassage et d’écoute des idées de l’autre, que sont toutes ces manifestations, où nos collègues « étrangers » nous convient.
Le colloque international de l’ISPA 2004 se tient cette année à EXETER, en Cornouaille anglaise. En voici le thème: » La Psychologie en milieu scolaire au 21° siècle: Pour les besoins de qui? Et au bénéfice(ou au profit ou à l’avantage) de qui? »
Nos collègues Britanniques nous y invitent à venir en nombre, faisons leur la surprise d’y répondre, en y venant nombreux.
Rosène de St Hilaire 15 Allée François Duine 29 000 Quimper
En bref et en vrac
Voici les membres de l’actuelle Commission internationale désignés au CA des 11&12 décembre 2003
• Rosène de St Hilaire(29): Responsable
• Guillemard Jean Claude(91): Secrétaire
• Véronique le Mézec(35)
• Francine Corman(59)
• Suzanne Guillard(58)
• Eva Unterlass(91) :Membre Associée
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Eva Unterlass représentera l’association à la Conférence annuelle de la Société Britannique de Psychologie les 7& 8 Janvier 2004.
Cette manifestation a lieu en France à Vanves (92), hôtel Mercure.
Elle nous nous fera part de ses impressions , dans la lettre internationale qui paraîtra dans Echanges en Juin 2004
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Suzanne Guillard a répondu pour l’AFPS à l’invitation de l’Association des Psychologues Italiens à leur Congrès National, au vu de ses compétences touchant le sujet de la déontologie, Là aussi nous en saurons plus dans la lettre internationale d’Echange en juin 2004
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L’AFPS aura deux représentants au colloque ISPA qui se tiendra du 27 au 31 juillet 2004 à l’Université d’EXETER en GB ; nous vous invitons à vous y rendre nombreux, et à postuler pour l’aide financière proposée par l’AFPS.
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Bourses AFPS :
Le 26ième colloque international de l’ISPA se tiendra cette année à l’université d’Exeter en Cornouaille anglaise. Pour toute information sur le colloque consulter le site de l’ISPA : www.ispaweb.org , rubrique Colloquium . Ce site est également accessible à partir du site de l’AFPS www.afps.info où le colloque est annoncé en page d’accueil .
L’approbation de la proposition du budget de la commission internationale permettra à trois candidats de bénéficier d’une aide financière pour la participation à ce colloque.
La somme globale allouée est de 1200 euros ce qui donne un montant
De 400 euros par candidat.
Conditions à remplir :
• -maîtrise convenable de la langue anglaise
• -intervention dans le programme scientifique sous forme d’exposé ,de poster , de participation à un symposium ou à un atelier et acceptation de cette intervention par le comité scientifique du colloque .
• -envoi du résumé de l’intervention ( 250 mots ) à la commission internationale pour fin avril 2004
• -participation au séminaire européen qui sera au programme du colloque.
• -participation à un « interaction group »
• -contacts pendant la durée du colloque avec les membres de la délégation AFPS et contribution à la promotion de la psychologie scolaire française et de l’AFPS.
• -préparation d’un article pour la lettre internationale d’ « ECHANGES » et /ou du site Internet de l’AFPS, sur une intervention du programme scientifique.
• Les candidats devront faire toutes les démarches requises pour leur inscription et leur hébergement.
Ces conditions sont similaires à celles exigées pour l’obtention d’une bourse de participation au colloque international de l’ISPA, depuis le colloque de NYBORG en juillet 2002. Le montant de la bourse sera versé après la participation au colloque international .
Pour plus de renseignements vous pouvez contacter:
R. de St Hilaire, dsh.rosene@wanadoo.fr
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Francine CORMAN nous propose un point de vue de l’ASSOCIATION QUEBECOISE DES PSYCHOLOGUES SCOLAIRES sur la formation initiale.
COMPETENCES THEORIQUES ET PRATIQUES VISEES DANS LA FORMATION DES ETUDIANTS EN PSYCHOLOGIE SCOLAIRE
Savoirs
Savoirs faire
Savoirs être
L’AFQPS, considérant le rôle prioritaire qu’il faut accorder dans la formation des futurs psychologues scolaires à leur formation pratique, se préoccupe du rôle qu’elle pourrait jouer dans l’encadrement des stagiaires qui viennent, grâce aux stages, compléter leur formation académique reçue dans les universités.
A cette intention, un comité composé de praticiens chevronnés, de jeunes praticiens, d’étudiants en formation et professeurs d’université a élaboré une grille tenant compte de trois dimensions : les savoirs, les savoirs faire et les savoirs être. Celle-ci permet de spécifier les éléments de compétences requis par la pratique de la psychologie scolaire et les éléments de formation à donner au futur psychologue scolaire. La formation pratique du psychologue scolaire sera définie par les connaissances et habiletés nécessaires pour devenir un praticien apte à résoudre efficacement une diversité de problèmes et non par une série d’habiletés spécifiques à la résolution de problèmes particuliers et ponctuels.
Cet outil de référence peut permettre de situer les acquis du stagiaire et le chemin qui lui reste à parcourir et ainsi devenir un outil de supervision. Quatre niveaux d’atteinte des objectifs :
– de sensibilisation
– d’apprentissage
– de maîtrise
– de généralisation (à poursuivre toute la vie !)
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SAVOIRS
Chaque savoir doit s’articuler en trois volets interdépendants : contenu théorique, ses applications cliniques et intégration de ces deux volets par l’enseignement du processus scientifique de résolution de problèmes.
– Champ de la biologie (bio, neuro, physio) : principales structures du cerveau et leurs fonctions, bases biologiques du comportement humain, génétique et syndromes, troubles neurophysiologiques, traumas cérébraux et leurs effets, pharmacologie et effet des médicaments sur le comportement, termes médicaux et techniques diagnostiques du domaine médical
– Champ des phénomènes psychosociaux : dimensions du comportement social, de la motivation, phénomènes des groupes et leurs caractéristiques, phénomènes reliés au genre, à l’ethnie, à la délinquance, à la pauvreté, aux contre-cultures, à l’âge, aux styles de vie …
– Champ de l’administration et de l’organisation scolaire : nosographies courantes (DSM, CIM et MEQ), services éducatifs, communautaires, social et de santé, lois et réglements
– Champ du développement humain et de l’éducation, de la pédagogie et de la ré-éducation : théories du développement, de l’apprentissage, programmes officiels, méthodes pédagogiques auprès d’élèves ordinaires, défavorisés, handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, théories reliées à la santé mentale dans un milieu scolaire
– Champ de la mesure et de l’évaluation : méthodes de mesure et d’évaluation en éducation, en psychologie scolaire (aspects statistiques, psychométriques, techniques d’entrevue, techniques d’observation, principes de rédaction des rapports d’évaluation), outils de mesure spécifiques, méthodes d’évaluation des modèles et des programmes d’intervention.
– Champ de l’intervention directe : théories et méthodes d’adaptation de l’enseignement, programmes d’intervention préventive et corrective, techniques d’animation de groupes, approches psychothérapeutiques, mécanismes de référence aux organismes de réseau de la santé et des services sociaux
– Champ de l’intervention indirecte : moyens d’intervention sur les systèmes, programmes de promotion en santé mentale
– Champ de la pratique professionnelle : histoire de la psychologie scolaire, rôles et fonctions du psychologue scolaire, règles de professionnalisme applicables à la pratique de la psychologie, démarche scientifique en sciences humaines
SAVOIRS FAIRE
Les savoirs faire doivent découler directement des connaissances théoriques et en être l’application dans le milieu de stage. Les habiletés à développer sont essentiellement une application de la pensée scientifique et clinique aux problèmes présentés par les enfants, et toue consultation et évaluation débouchent nécessairement sur l’intervention, soit la résolution du problème posé.
– Habiletés techniques préalables : communication orale, écrite, maîtrise des techniques d’information et de communication, faire des analyses, des synthèses, travail d’équipe et collaboration
– Planification et organisation : analyse des besoins et demandes, organisation temporelle et matérielle efficace et souple, gestion des dossiers, adaptation au milieu, suivis, planification des interventions
– Consultation ou l’intervention indirecte : auprès d’enseignants, des directions, des parents, d’autres professionnels, d’équipes pluri-disciplinaires, de groupes de travail dans plusieurs domaines
– Evaluation psychologique : observation, évaluation(s) développementale, intellectuelle, psychosociale, comportementale, d’un trouble d’apprentissage spécifique, d’un trouble de la personnalité, d’un trouble neurologique, d’un déficit sensori-moteur
– Intervention directe : individu, groupe ou système, à court, moyen ou long terme, axée sur le développement cognitif, social, affectif et motivationnel ou autre
– Adaptation de la recherche scientifique : lecture critique des recherches publiées, applications pratiques des recherches théoriques dans le cadre d’un suivi particulier
SAVOIRS ETRE
Les savoirs être relèvent du domaine des attitudes et du champ des valeurs. Ils témoignent de la dimension affective et sociale de la personne, des convictions, des motivations qui inspirent et animent le développement humain. Ils doivent être soutenus, renforcés et appliqués particulièrement dans le milieu de stage.
– Souplesse, flexibilité, créativité, innovation : mener plusieurs tâches de front, s’adapter aux situations imprévues, s’ajuster dans le temps, s’adapter aux demandes, s’ajuster aux observations et rétroactions, propositions nouvelles adaptées à la situation, suggestion d’amélioration
– Confiance en soi, affirmation de soi : émettre ses idées et les défendre, exprimer son désaccord, faire respecter ses droits professionnels, travailler sous pression, exercer une influence ferme et nuancée
– Jugement, sens critique, analyse et synthèse : rapidité de prise de décision, mise en relation théorie / pratique, identification des enjeux et impacts de ses actions, justification rationnelle de ses actions, identification rapide des besoins
– Autonomie, initiative, fiabilité : se documenter sur les problématiques, participation responsable et active à des activités de planification, d’organisation et de réalisations d’actions pertinentes aux besoins du milieu et de ses élèves, à des activités d’animation, en concertation avec d’autres partenaires, en conformité avec les instructions données
– Connaissance de soi (forces et besoins), capacité à se remettre en question, capacité d’adaptation : s’engager dans la supervision en la préparant, dégager les liens existants entre son expérience personnelle et les motivations sous-tendant ses interventions, s’engager activement dans une réflexion et un questionnement en tant que personne et en tant qu’intervenant, identifier des objectifs personnels de croissance, accueillir la critique, accepter les points de vue différents, demander de l’aide, tolérer la douleur et la souffrance psychique, manifester adéquatement ses émotions, manifester une bonne capacité d’adaptation
– Qualités interpersonnelles, relation d’aide, travail d’équipe, éthique professionnelle : accueil, chaleur, écoute attentive, empathie, intégrité et sens critique, ouverture à la relation, acceptation d’autrui, confidentialité, établir des rapports humains facilitant la collaboration, faire appel aux autres, adopter des modes de fonctionnement de groupe, mobiliser les autres dans l’exécution d’une tâche commune, contribuer à la dynamique de l’équipe par la qualité de ses points de vue, favoriser l’établissement de relations constructives et harmonieuses, apporter des éléments de résolution en cas de situations conflictuelles, soit au niveau individuel, soit au niveau du groupe, respecter le rythme et la culture du milieu de stage.
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La Conférence internationale des ONG de l’UNESCO à Paris 17-19 décembre 2003.
JC Guillemard représentait l’ISPA à cette conférence qui a lieu tous les deux ans après la conférence générale de l’UNESCO.
Après la séance d’ouverture inaugurée par le Directeur Général de l’UNESCO, Monsieur Koïchiro Matsuura avec la présence exceptionnelle de Madame Shirin Ebadi , prix Nobel de la Paix ,divers débats ont été organisés :
La discussion avec des représentants du Groupe de personnalités sur la Société Civile ,
La table ronde n°1 « La diversité culturelle : chance et défi pour l’humanité »
Les trois ateliers simultanés :
1. L’éducation pour tous : bien public de la petite enfance à l’université.
2. Sciences du vivant : production de biens communs ou de biens marchands,
3. bien commun et générations futures : quel rôle pour la jeunesse
La table ronde n°2 « Droits de l’Homme : assurer leur application et combattre la remise en cause de l’universalité » .
Le débat « Culture de la paix : bilan et perspectives ».
La Conférence a été l’occasion pour le Comité de liaison des ONG-UNESCO de présenter son bilan d’activité et de renouveler ses membres . La Présidente , Madame Monique Fouilhoux (Internationale des Enseignants /Teachers International) ne souhaitait pas renouveler son mandat. Madame Françoise Sauvage de la FIFDU ( Femmes Diplômées de l’Université) a été élue présidente .Le nouveau règlement intérieur a été adopté et une résolution générale amendée a été adoptée à l’unanimité.
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DEONTOLOGIE ET PSYCHOLOGIE DE L’EDUCATION
Suzanne Guillard
Psychologue scolaire
Secretaire générale de la Société Française de Psychologie
Vice-presidente ,chargée de la formation de l’Association Française des Psychologues scolaires.
Déontologie : une nécessité générale
La diversité des champs d’exercices de la psychologie a poussé à la création d’un outil unificateur et garant d’une position éthique commune à tous les praticiens .C’est ainsi que les codes de déontologie se sont développés au fur et à mesure de l’évolution de la société. Le plus ancien et le plus connu est le serment d’Hippocrate, il est le prototype des codes actuels.
Deiner et Crandall en 1978 définirent la déontologie comme un regroupement de règles permettant aux particuliers et aux groupes de préserver un ensemble de valeurs On distinguera ainsi les « bonnes »pratiques des « mauvaises ».C’est à partir du code de Nuremberg (considéré comme le fondement de l’éthique moderne) que l’APA(American Psychological Association )en 1948 rédige un code à partir de cas mettant en cause les valeurs morales .Il sera remanié de nombreuses fois jusqu’à nos jours. A partir de lui les associations et organismes de réglementation de nombreux pays ont élaboré des codes au cours du vingtième siècle .Ce phénomène a concerné en premier lieu les pays industrialisés ,mais depuis cinquante ans ceux en développement également.
Des efforts ont été déployés pour mettre au point des principes communs, au delà des frontières :
Un métacode de déontologie pour l’Europe fut adopté en 1995 ,devenu depuis « Charte Européenne » il met en valeur quatre grands principes :
-respect et développement du droit des personnes et de leur dignité,
-compétence,
-responsabilité,
-probité des professionnels.
En Amérique un forum trilatéral sur l’éducation, la pratique et l’accréditation en psychologie a lieu en 1995. Les grandes organisations de psychologues des US du Mexique et du Canada signent unes charte en 1995.
Des essais de métacode internationaux furent moins évidents à réaliser pour des raisons essentiellement culturelles :
-ainsi en 1997 Leach et Harbin ont comparé les codes de vingt trois pays à celui de l’APA (de 1992) ils ont constaté une convergence pour ce qui est des six principes suivants du code américain :
-Competence
-Intégrité
-Responsabilité scientifique et professionnelle
-Respect des droits
-Dignité des personnes
-Responsabilité sociale
Certaines normes sont par ailleurs quasiment universelles :
-Confidentialité :100%,
– Maintien de la confidentialité :95%,
-Compétence : 89%,
-Eviter de causer du tort :84%,
-Supervision :84%,
-Consentement éclairé :84%,
-Evitement de la mystification :79%,
Par contre d’autres normes sont inéxistantes :ainsi la République Dominicaine ne reconnaît que 17% de ces principes la Chine 0%.La Nouvelle Zélande la France ne reconnaissent pas comme utile la responsabilité sociale, Hong Kong, la Suisse et Singapour n’ont pas la catégorie :respect des droits et de la dignité de la personne .
Ces codes pour la plupart, sont des règles générales ,applicables à tous les exercices de la psychologie .Il en existe très peu relatifs à des domaines particuliers :on note qu’aux Etats Unis fut rédigé en 1985, à l’usage de la psychologie scolaire :les « Standarts for Educational and Psychological testing »( qui vont être réedités en France) .Le code de déontologie des psychologues en France a évité ce particularisme dès 1961 pour des raisons sans doute de nécessaire cohésion d’une profession par ailleurs très morcelée dans ce pays .Ce code a été remanié de façon constante jusqu’en 1996 mais a été maintenu à un niveau général
D’emblée il a donc marqué un souci de cohésion de la part des professionnels de la psychologie Cette unité paraît se dessiner et se confirmer actuellement .Le code semble bien ,là, jouer le rôle de « marqueur unitaire »
Un exemple particulier : la France
En France les psychologues scolaires ne peuvent que s’en réjouir .Ils sont, avec leurs spécificités ,désormais clairement enracinés dans le monde de la psychologie, au moyen de régles déontologiques communes .En effet le psychologie scolaire française illustre bien les difficultés d’application d’un code de déontologie dans le cadre d’un champ d’exercice fortement structuré.
A l’heure actuelle ,le métier de psychologue est par essence un exercice délicat. Il ‘est d’autant plus quand il est exercé dans une administration très hiérarchisée telle que l’Education Nationale .Si la plupart du temps ,l’activité psychologique à l’école est adaptée à ses buts et permet « le respect de la personne dans sa dimension psychique »,il existe des moments qui emprisonnent le professionnel dans un réseau de contradictions telles que le sujet ,la personne , disparaissent au profit institutionnel-les situations peuvent engendrer conflits ,fuites ou passivité .Elles sont le plus souvent dues à une méconnaissance de la loi commune ou à une communication altérée par la pression et les exigences administratives ou du groupe dominant .Il est possible d’expliquer ces phénomènes par l’histoire de la psychologie scolaire en France ,qui a largement induit la place difficile et le rôle assignés à ce professionnel dans l’école même ,ainsi que par l’institution elle même et ses pressions.
Détour historique :
Des psychologues dans l’école depuis 1945,mais…
Imaginée par le Professeur Henri Wallon(médecin et psychologue)partisan-dans le contexte de l’après guerre-de l’éducation nouvelle ,la psychologie scolaire a alors pour objectif »l’adaptation réciproque de l’enfant à l’école et de l’école à l’enfant »Elle se met en place très progressivement-non sans difficultés ,entre le terrain de la pédagogie et de la pathologie ,et dans le prolongement des travaux de Binet .Ceux ci répondaient avant tout à des impératifs économiques :
« Lorsque Binet ,à la demande du ministère de l’Instruction Publique ,entreprit ses recherches visant à dépister les élèves ne pouvant suivre normalement(recherches qui aboutiront à la création de classe de perfectionnement)il apporta sa contribution à la rationalisation et à l’efficacité de la division du travail en appliquant le principe de Taylor »l’homme qu’il faut à la place qu’il faut »(Guillemard1982).
Toutefois pour Wallon ,la psychologie scolaire est alors, une partie essentielle de la réforme démocratique de l’enseignement. Le professionnel doit être issu du milieu scolaire ,ce qui lui paraît essentiel pour la mise en œuvre de sa réforme. A ce jour la situation est toujours le même : les psychologues scolaires de l’enseignement élémentaire sont sélectionnés exclusivement parmi les enseignants de l’école primaire ,possédant une licence de psychologie, ayant exercé pendant trois ans ,Ils sont alors choisis par une commission constituée de représentants élus d’enseignants et préparent en un an le Diplôme de Psychologie Scolaire. Le psychologue scolaire est ,par conséquent, un fonctionnaire dépendant du Ministère de l’Education Nationale ,rémunéré et administré comme un instituteur (ou professeur des écoles). Le corps et le statut de psychologue à l’école sont inexistants Ce fait n’est pas sans conséquences sur la place et le rôle de psychologue à l’école
Détour administratif :
Le psychologue scolaire est un fonctionnaire
Cette notion si elle est souvent mise à l’écart ou oubliée par les professionnels eux mêmes -est pourtant essentielle pour leur employeur .En effet, le fonctionnaire a des droits mais aussi des devoirs et des obligation vis à vis de l’Etat qui l’emploie. Sa liberté d’agir est entravée par le « Code de la Fonction Publique ».Ainsi il »sert » la collectivité des citoyens et si sa liberté de conscience est reconnue dans tous les domaines(loi du 9 décembre 1905) l’exercice de cette liberté doit être compatible avec les principes généraux qui dominent l’administration :
Il doit : »respecter l’autorité hiérarchique, le respect du public, le bon renom de l’administration, l’exécution de sa mission. »(Code de la Fonction Publique).
Ces limites sont assez strictes et induisent « :obéissance à la hiérarchie, dévouement au service ,conditions fixées par l’autorité pour organiser le service »… Tout ceci peut avoir des effets sur l’exercice et des retombées au niveau éthique,(pressions institutionnelles et administratives obligent…)
Ainsi le travail du psychologue est il souvent orienté vers l’institutionnel conformément aux textes de 1948,1960,..Il faudra attendre le dernier(et seul) texte définissant les missions du psychologue scolaire (circulaire du 10 avril 1990) pour voir une allusion au psychisme de l’enfant et à la déontologie ,en ces termes très timides : »les règles en usage dans la profession » mais là encore ses missions sont encore majoritairement axées sur l’école .L’enfant y est toujours assimilé à un objet d’apprentissage ,il disparaît en tant que personne .
Des conséquences en découlent ,qui peuvent influencer les pratiques ,nuire à la sérénité de l’exercice dégrader le notion de « Droit de la Personne », jouer sur l’exercice déontologique.
L’usager de l’école(l’enfant et sa famille) est en effet particulièrement captif et d’une manière générale se pose souvent le problème de la confidentialité.
Conséquences :
Fonctionnaire le psychologue scolaire ne peut discuter les ordres de sa hiérarchie.
Ainsi un de nos collègues a-t-il été lourdement sanctionné (déplacement) pour avoir refusé de fournir (à des fins de contrôle de son activité) une liste nominative avec leurs symptômes des enfants et familles eues en entretiens et examens au cours de l’année scolaire. On peut constater là que son supérieur hiérarchique ignore tout des notions de confidentialité ,de même que la loi commune(dite informatique et libertés).Il confond ainsi devoir de réserve(cité dans le code de la fonction publique et s’appliquant aux éléments administratifs) et secret professionnel .Le déni du code de déontologie est important et exprimé ainsi : »affichage de pseudo principes déontologiques pour masquer…. »Le refus de communiquer sur les symptômes est sanctionné et explicité par le »manquement à l’obligation de continuité du service »…
Instituteur ou professeur des écoles ,il est contrôlé administrativement par un Inspecteur de l’Education Nationale(pédagogue)
L’inspection des psychologues scolaires a été définie par une circulaire du 1er septembre 1993 .On peut y voir : »pour ce qui concerne les modalités d’inspection, l’inspecteur de la circonscription ,y associant chaque fois qu’il est possible son collègue spécialisé, inspecte le psychologue scolaire en situation professionnelle, à l’exception des examens psychologiques ,des entretiens pratiqués avec les enfants ou leurs familles ; »L’inspection peut porter sur : »
-…l’étude de documents écrits concernant des examens cliniques et psychométriques ,les dossiers d’enfants permettant au psychologue de justifier le choix de ses outils et d’examens pour le bien-fondé des conclusions qu’il a formulées… »
Ces deux termes ont mené certains supérieurs hiérarchiques ,parfois, à exiger d’examiner l’intégralité des dossiers d’enfants ,parfois même à exiger les clés de bureau …
Si tout peut être perverti dans ce domaine on a même pu voir une inspection réalisée uniquement sur le temps mis à retrouver un dossier d’enfant dans l’armoire, chronomètre en mains…
Ces exemples nous incitent à nous interroger sur le devenir des écrits du psychologue dans une institution très rigide.
Devenir des écrits du psychologue
Il s’agit des écrits conservés sur le lieu administratif ou ceux remis aux différents acteurs ou aux Commissions ,chargées de l’orientation des enfants ou jeunes en difficulté. Celles ci constituent des dossiers sur les cas examinés ,le compte rendu d’examen psychologique n’en est qu’un des éléments .Par contre c’est le seul qui ne soit pas protégé par le secret professionnel. Il est donc consultable ,ou même parfois remis aux différentes personnes intéressées .Ce document devient donc un instrument extrêmement sensible ,susceptible d’interférer avec la notion de confidentialité.
Au cours de ces commissions -lorsque le psychologue concerné n’est pas invité-le compte-rendu intégral peut être lu .Est invoqué alors par l’administration le secret professionnel commun à tous les fonctionnaires .Or, celui-ci subit un sort particulier dans la fonction publique :il peut être » partagé »entre fonctionnaires…mais seulement d’un même service(jugement du Conseil d’Etat mars 1953)ce qui bien sûr élimine du processus les personnes d’autres « services »présentes dans ces dites commissions…D’autre part , la notion de secret partagé est inexistante en France … Mais le psychologue de l’éducation n’existe pas statutairement nous l’avons vu. Tous les abus sont donc possibles y compris le non respect de la loi commune et les comptes-rendus peuvent continuer à être lus en toute légalité .Or , nous le savons tous cet écrit reflète un moment ,une perception particulière ,un « double »instantané d’un être morcelée ,une personne divisée qui est décrite dans cet écrit, appelé « feuille verte »(elle est verte effectivement)
Cette feuille ,destinée à être le « contenant »des comptes -rendus des psychologues s’insère dans tous dossiers de commission ,c’est une exigence institutionnelle. Son sens est bien entendu de fournir toutes les informations, quantitatives et qualitatives, utiles pour l’orientation ,mais en principe seulement elles. Or la feuille induit par sa présentation même les réponses .Ainsi pour satisfaire à la confidentialité est il utile de ne pas remplir toutes les cases.( Celle du Q.I par exemple)Une recherche entreprise entre 1988 et 1989 par Gérard Guillec montrait que les psychologues scolaires respectaient significativement plus ce cadre que leurs collègues d’établissements privés. Leur statut d’instituteur et le rapport imaginaire(..parfois réel…) entretenu avec l’administration employeur entraîne ce type de comportements.
On peut noter que parfois celle-ci ne permet pas une marche de manœuvre très large :ainsi est-il arrivé qu’un Inspecteur de l’Education Nationale , président d’une commission, refuse d’examiner le cas d’enfants non renseignés sur leur QI .C’est ainsi que les psychologues scolaires de ce département furent confrontés à une injonction paradoxale : »dire et ne pas dire »Ce choix dépend alors du seul jugement éthique du professionnel, lequel est aussi impliqué dans ces paroles.
Les paroles du psychologue.
Situé dans un milieu scolaire ,confronté à d’autres acteurs, quotidiennement, le psychologue scolaire est en effet un professionnel isolé en temps que praticien au centre d’un réseau pluridisciplinaire touffu .Les occasions de pressions diverses sont courantes :
-pour entretiens ou bilans , l’urgence à agir est souvent invoquée .On a connu des cas de plaintes déposées par des parents lors d’entretiens ,sans leur autorisation, quand le psychologue se laissait piéger par l’argument d’urgence.
-Idem pour des évaluations collectives et communications de leurs résultats sans autorisations des tuteurs légaux, sur injonction administratives.
-Plus insidieusement, lors des diverses réunions pluridisciplinaires des renseignements confidentiels (obtenus sous réserve du secret professionnel dans le cadre d’entretiens) peuvent parfois être communiqués pour compréhension des cas. Le secret est alors « partagé » ou plutôt « malmené » sans le consentement de l’intéressé.
En conclusion
Une vigilance de tous les instants est nécessaire ,pour respecter les droits des personnes, celle ci l’est encore plus dans le cadre scolaire français .En effet , l’espace de liberté de la pratique de la psychologie en milieu scolaire est limité sur le plan administratif ,essentiellement par le désir de l’administration de ne pas considérer ce professionnel comme psychologue, mais comme un pédagogue chargé de psychologie.
Cette spécificité met le psychologue scolaire dans une situation à haut risque déontologique qui ne peut être contrôlé que par une vigilance constante pour l’application du Code de Déontologie des Psychologues.
Il s’agit de responsabilité et de clarté pour différencier l’acte pédagogique de l’acte psychologique ,ce que tout professionnel de la psychologie est en mesure de réaliser ,si le milieu est ,un peu, complice et clairvoyant. L’essentiel est de sauvegarder l’enfant en tant que personne à l’école et le psychologue est celui ,par ses actes, peut éviter que le cadre ne devienne totalitaire.
Bibliographie :
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Giust, J. (1984)La personne et son double :le dossier .In Bulletin de l’ACOF,n°300.
Giust ,J.(1978). Les dossiers en psychologie. In Bulletin de l’ACOF ,n°267.
Giust,J.(1996).Ces lois qui nous structurent. Actes du Colloque de l’ANPEC,Valence.
Guillard, S. (1998).Présentation du Code de Déontologie, Psychologie et Education ,n°35 AFPS.
Guillard, S . § Guillemard ,J.C. (1997) . Manuel pratique de psychologie en milieu éducatif.Masson
Guillec,G.(1991). Pourquoi des comptes-rendus psychologiques ? Psychhologie et Education n°7 AFPS.
Guillemard ,J.C. (1982) Les psychologues à l’école .Psychologie scolaire . AFPS.
Lescarret ;O.§Preteur Y.(1986)les psychologues de l’enfance,Actes du colloque de la SFP,Toulouse.
Navelet,C.§ Guerin-Carnelle,B. (1998)Psychologues au risque des institutions ,les enjeux d’un métier Ed.Frison-Roche , coll . psychologie vivante.
Plantey(1993)La fonction publique. Litec.
Statut général des fonctionnaires de l’état.Editions du journal officiel 1997.
Déontologie des psychologues :actes du stage :enrichissement des pratiques des conseillers d’orientation-psychologues,27 mars 1996.