LE PSYCHOLOGUE DE L’EDUCATION NATIONALE ET LE DECROCHAGE SCOLAIRE
Essai de définition
Apparu dans les années 90 en tant que problématique suite aux influences canadiennes, le décrochage a fait l’objet d’études et de publications allant d’une définition comme processus d’abandon et de démobilisation à des perspectives plus centrées sur la perte du sens de la scolarité, avec mise en cause des processus pédagogiques, responsables d’un certain type de décrochage, sans oublier les données sociales importantes dans son déclenchement.
Le Ministère écrit en 1998 : « … La plupart du temps, le rejet de la scolarité prend la forme de manquements graves et répétés au règlement intérieur, d’un comportement marqué par une forte agressivité vis-à-vis des autres élèves ou des adultes de la communauté scolaire, d’un absentéisme chronique non justifié, aboutissant à des exclusions temporaires ou définitives d’établissements successifs.
Mais ce désintérêt profond vis-à-vis du travail scolaire peut également se manifester par une extrême passivité, une attitude de repli et d’autodépréciation systématique, un refus de tout investissement réel et durable. Pour autant, ces élèves ne relèvent pas de l’enseignement adapté ou spécialisé. «
Le décrochage peut donc être appréhendé dans une perspective dynamique comme un processus de désengagement, de désaffiliation inscrit dans le temps.
Le second degré.
Les premières semaines, voire les premiers jours de scolarité au collège sont souvent déterminants dans la survenue du décrochage. Il est donc essentiel que le Conseiller d’orientation-psychologue (CO-P) puisse intervenir, le plus précocement possible au collège. Dès de la classe de sixième, à un moment où le phénomène de décrochage se structure. Ce passage de l’école élémentaire au collège, comme celui du collège au lycée peut être une période de fragilité qui réactive, ou déclenche, les problématiques psychologiques jusqu’à la phobie scolaire.
Le CO-P intervient naturellement auprès des élèves qui éprouvent des difficultés. Celles-ci font souvent obstacle à l’investissement scolaire et peuvent compromettre la réussite. … Le conseiller, grâce à sa formation de psychologue, est à même de garantir une écoute qualifiée et la distance nécessaires à l’analyse de la situation, donnant ainsi à l’élève des pistes pour avancer. C’est pourquoi le travail de suivi est essentiel. articulé avec les autres dimensions qui sont la prévention, l’aide à l’adaptation réciproque de l’élève et de l’institution scolaire, le travail d’accompagnement pour favoriser la réussite scolaire, l’aide à l’élaboration des projets d’avenir.:»
Le conseiller d’orientation-psychologue crée les conditions les plus favorables d’un repérage précoce des difficultés psychologiques des élèves, susceptibles de retentir sur les apprentissages et donc d’empêcher une orientation positive.
Il joue un rôle de premier plan concernant les élèves, potentiellement décrocheurs ou qui se trouvent engagés dans ce processus, en proposant écoute et suivi et en réalisant, chaque fois que c’est nécessaire, un bilan avec le jeune afin de déterminer ses motivations, ses points forts et ses difficultés et d’ouvrir des perspectives d’avenir
L’entretien individuel, est l’outil de base du CO-Psy : par sa formation de psychologue il est le mieux placé pour entendre ce que l’élève en rupture a du mal à exprimer. Il ne suffit cependant pas d’entendre mais de tenter, grâce à une attitude clinique d’aider l’élève à verbaliser librement ses représentations concernant sa scolarité, ses pairs, sa place dans la famille, dans la classe, et de lui faire un retour pour l’aider à progresser dans la prise de conscience des enjeux de son développement et de sa formation.
A la suite de l’entretien, un suivi sera souvent proposé qui peut comprendre un bilan avec instrumentation, (épreuves psychométriques, évaluation des intérêts) ou un conseil concernant une prise en charge d’ordre psychothérapeutique.
Des entretiens avec les familles sont dans la plupart des cas à envisager pour appréhender le milieu familial et parfois réaliser une prise en charge de la relation entre l’adolescent et sa famille.
Le conseiller d’orientation-psychologue :
– évalue, éventuellement à l’aide de tests, les difficultés de l’élève,
– aide l’adolescent à mettre en mots son malaise et l’accompagne dans la demande d’une éventuelle consultation thérapeutique,
– conseille et oriente vers des lieux thérapeutiques extérieurs appropriés ceux des élèves qui en ont besoin, conseille sur les modalités de la scolarité ou de la formation.
– met en œuvre des bilans d’orientation à l’aide de questionnaires d’intérêts.
Le CO-P faisant partie de l’équipe éducative, il participe souvent aux réunions des équipes de suivi pluridisciplinaires (en particulier avec les équipes médico sociales) dans les établissements pour la prise en charge de ces élèves. Il intervient également dans les classes relais où peuvent être scolarisés ces adolescents
Le premier degré
Ce processus de décrochage peut débuter très tôt dans la scolarité et se développer à bas bruit. Pour le prévenir, pour donner sens à cette manifestation et éviter qu’elle ne s’installe en devenant très coûteuse pour l’avenir du sujet, les psychologues de l’Education nationale, dits « scolaires » dans le premier degré, y sont très attentifs. Que se passe t il en amont du décrochage scolaire ?
• Le premier accrochage scolaire : sa qualité peut déterminer l’investissement de la scolarité. Souvent première séparation avec la famille, l’école va confronter l’enfant au passage du lien maternel au lien social. Entre le phénomène banal des pleurs du jour de la rentrée et l’enfant installé dans un désespoir qui perdure, les enseignants sont parfois démunis. L’éclairage, éventuellement la prise en charge par le psychologue de l’institution, contribue à un étayage efficace. Divers dispositifs peuvent être mis en place, points d’accueil et d’écoute, groupes de parents, concertations avec l’enseignant : l’offre d’un psychologue de proximité ainsi posée, des demandes individuelles ou des propositions de rencontre émergent. Souvent quelques entretiens mères/enfants, parfois un seul, verbaliseront d’autres séparations que cette rentrée scolaire réactive, ou l’angoisse du parent à laisser partir son enfant. C’est au plus tôt, à l’école même que le psychologue est efficace, dans un rôle d’offre et de vigilance. L’enfant arrivant en classe dans la souffrance, la déchirure, risque de peu investir les apprentissages et abandonnera d’autant plus vite que cette accroche aura été fragile
– L’absentéisme : que le facteur soit social ou psychologique, l’école est mal investie et la menace de suppression des allocations familiales ne suffit pas. Il faut donner sens : entre l’impossible rupture mère/enfant, le chantage « à la crise » de celui-ci, la peur de l’extérieur, le refus de la loi, la maltraitance cachée. Les hypothèses ne manquent pas et relèvent des compétences du psychologue de l’Education nationale.
– La souffrance à l’école est souvent tue parce qu’elle ne se manifeste pas toujours bruyamment même si elle peut éclater dans des troubles du comportement réactionnels. Cause ou conséquence de l’échec scolaire, parfois générée par la confrontation à l’autre, par une institution qui peut être déstabilisatrice, elle renvoie à la dimension psychique dont la reconnaissance fonde l’action des psychologues
Conclusion
Le décrochage concerne les psychologues scolaires et les conseillers d’orientation-psychologues qui sont des psychologues cliniciens, au sens où ils utilisent une méthode clinique, centrée sur la singularité psychologique des enfants et des adolescents et des problématiques traités.
Ils interviennent d’autant plus efficacement que leur action est réalisée en réseau, doit permettre à l’élève de mieux intégrer son histoire personnelle et de mettre en oeuvre des attitudes nouvelles qui l’aideront à envisager de façon plus positive son avenir scolaire.
ACOPF-AFPS-SFP-SNES-SNP-SNUIPP Avril 2006