LES PSYCHOLOGUES DE L’Education nationale et la prévention
Des faits sont montés en épingle : violence, racket, conduites à risques, échec scolaire, illettrisme…. Des enfants, des jeunes vont mal. Des enseignants aussi. Quant aux relations école/famille, elles ne se déroulent pas toujours dans un climat propice à la confiance mutuelle.
Des réponses sont tentées, souvent réductrices : Par tâtonnements successifs, on cherche entre pédagogique, éducatif, médicalisation voire juridique. Les individus sont stigmatisés, le système entier est rarement interrogé, la prévention réduite à minima avec, souvent, un glissement opérant une confusion entre prévention et dépistage, offrant comme voies de résolution, du plus pédagogique, du plus répression, du plus médical.
Ainsi l’INSERM publie le rapport « Les troubles de conduite des enfants et adolescents » et, dans un raccourci simpliste, pose la question du lien avec la délinquance. Préconisant une détection précoce, il recommande un examen systématique de santé vers 36 mois, âge d’entrée en maternelle, afin de faire effectuer par un médecin « un premier repérage d’un tempérament difficile, d’une hyper activité et des premiers symptômes du trouble des conduites.. » Le rapport Bénisti sur la prévention de la délinquance reprend la pseudo dimension prédictive accordée à ces troubles . A l’idée de prévention se substitue celle de dépistage opéré dans un but de contrôle social : l’individu qui s’écarte d’une norme subjective est pointé comme discordant, potentiellement pré délinquant, abusivement considéré comme pathologique.
Les psychologues, professionnels du psychisme, opposent analyse et propositions à cette vision médicale voire policière du trouble..
Par leur connaissance de l’institution, du fonctionnement psychique comme du développement de l’enfant, les psychologues de l’éducation nationale, de la maternelle à l’université, sont attentifs à cet accueil, à la prise en compte de la singularité, à la lisibilité des exigences scolaires, aux effets de groupe comme à l’émergence des phénomènes d’attente. Ils veillent à ce que ceux-ci n’installent pas l’enfant dans une représentation négative, et informent sur le fait que des manifestations ponctuelles, même criantes,peuvent être normales et n’appartiennent pas à la pathologie.
Prévenir, ce n’est pas repérer un « trouble » à éradiquer, c’est d’abord intervenir :
• Avant même qu’il ne s’installe, en repérer les prémices. Dès l’école maternelle, des petits signes précurseurs apparaissent, parfois peu perceptibles. Dans ses rencontres régulières avec les enseignants mais comme acteur de proximité, auquel de nombreux parents s’adressent spontanément , le psychologue est à l’écoute. Parfois en un seul entretien , ces petits signes prennent sens et se dissipent.
• Lorsqu’il émerge. Là encore, le psychologue interrogera la place et le sens de cette difficulté chez l’enfant (dans son économie psychique, par exemple son désir d’apprendre), ses parents, la classe et l’enseignant. Par son action dans l’institution, avec la famille comme avec l’enfant, il veillera à ce que la difficulté ne se transforme en échec ou en trouble du comportement réactionnel
• Lorsqu’il est avéré : outre l’interrogation sur le sens de ce « trouble » – qui n’en est peut être pas un -, le psychologue va agir dans diverses directions pour le prendre en compte et proposer les solutions les plus adéquates, à l’école comme à l’extérieur.
La prévention ne vise pas seulement l’individu dont l’éventuel « trouble » ne peut être isolé de sa signification et peut être considéré comme symptôme. Dans le système éducatif, elle nécessite la prise en compte d’une manifestation dans sa globalité Une analyse institutionnelle peut être faite, incluant les effets de groupe, les diverses interactions élèves /enseignants, la difficulté du système à tenir compte de la singularité de l’enfant et de l’adolescent et non seulement la prétendue inadaptation de l’ individu au système. Tous les psychologues de l’Education nationale connaissent le phénomène d’exclusion d’un « perturbateur » « renvoyé »d’un d’établissement aussitôt remplacé par l’émergence d’un autre « perturbateur » jusque là neutralisé, qui reprend le rôle.
La présence d’un psychologue appartenant à l’institution scolaire, mais reconnu dans la place spécifique qu’il y occupe, est indispensable pour une prévention visant à combattre
• L’échec scolaire.
L’ action du psychologue vise à l’éviter mais aussi à participer à l’élaboration du projet le plus adapté, au sein de l’institution scolaire comme à l’extérieur, en apportant son éclairage par un éventuel bilan . En repérant les failles et réussites, en proposant l’aide la plus appropriée, il travaille à la restauration narcissique du sujet pour prévenir découragements, compensation par des conduites difficiles ou décrochage scolaire. Son projet ne se situe ni dans la « pathologisation » de l’échec scolaire, ni dans son déni.
• Les phénomènes de violence
le sens d’un comportement violent est multiple : Entre le « tout pulsionnel » du jeune enfant et le passage à l’acte, entre l’agir en lieu et place de la verbalisation et un phénomène social, entre le malaise bien connu à l’adolescence et le premier signe de décompensation De la violence comme répétition d’un mode de communication à celle témoignant d’une maltraitance, d’un passage d’individuation à une pratique sociale, sous des manifestations souvent similaires, le sens – et donc la réponse à apporter – diffère. C’est dans le lieu même où éclate le symptôme qu’il faut commencer à l’écouter et l’éducatif ne suffit pas.
• La maltraitance,
De l’enfant maltraité dont les signaux peuvent passer inaperçus ou être mal interprétés, au phénomène de bouc émissaire à l’Ecole en passant par la violence institutionnelle soigneusement ignorée, la maltraitance doit être repérée et souvent, le psychologue du système éducatif y est confronté
• La lutte contre le suicide des jeunes
Elle passe aussi par une offre d’accès libre à un psychologue dans tout établissement
La prévention du suicide implique une plus grande disponibilité des psychologues de l’Education nationale afin de pouvoir répondre aux demandes des adolescents, à l’expression de leur malaise. Elle passe aussi par l’institution d’équipes pluri-professionnelles de suivi qui jouent le rôle de cellules de veille dans les établissements scolaires
• Les conduites à risque,
Entre le tout petit « se mettant en danger » et l’adolescent qui cherche en testant les limites les moyens de prendre de la distance par rapport au cadre, aux images et aux attaches de l’enfance. Les problèmes ne sont évidemment pas identiques Pourtant elles nécessitent toutes les compétences du psychologue
Sans faire une liste exhaustive des nombreuses difficultés observés en milieu scolaire, la prévention consiste à empêcher qu’une expression ponctuelle de mal être ne s’enkyste. Par un travail régulier dans l’institution, une approche spécifique, différente de celle des professionnels médicaux sociaux, les psychologues du système éducatif mettent en place cette prévention. Installés au plus proche des équipes, c’est au quotidien qu’ils l’effectuent. A l’écoute de la souffrance psychique, ils savent discriminer une manifestation ponctuelle d’une décompensation, une simple expression de difficulté d’un processus psycho pathologiques, leur formation leur permettant d’étudier les rapports réciproques entre vie psychique et comportements individuels et collectifs avec pour objectif de promouvoir l’autonomie de la personnalité.
Pour qu’une véritable politique de prévention puisse être mise en œuvre dans les divers lieux de l’enfance et de l’adolescence, un effort doit être fait pour que chaque établissement bénéficie de la présence des psychologues.
Ces psychologues de proximité, pouvant par la simple prise en compte d’inquiétudes précoces, infléchir le nombre de pathologies graves, existent bien dans l’Education nationale. Bafoués, sans statut correspondant à leurs missions, ce sont les psychologues dits « scolaires » dans les écoles maternelles et primaires, et, dans le secondaire les conseillers d’orientation- psychologues trop souvent réduits à une image d’orienteurs Ensemble, ils proposent, dans chaque établissement scolaire, des connaissances, compétences,et une qualification de psychologue de l’Education nationale clairement identifié et reconnu par un statut
La prévention de l’échec, de la violence, de la maltraitance, de la souffrance psychique passe par eux.