Tous les 5 ans la France doit remettre son rapport d’application de la convention internationale des Droits de l’Enfant. La prochaine échéance est en 2007.
Dans cette perspective, le COFRADE (Conseil Français des Associations pour les Droits de l’Enfant) a vocation à proposer un contre-rapport. Le Cofrade a donc sollicité ses associations membres (dont l’AFPS) pour qu’elles donnent leur avis et prennent position sur les déclarations de la France lors du rapport précédent ou mettent en exergue des situations préoccupantes non encore évoquées.
Nous exposons ci-dessous en quelques lignes ce que l’AFPS a transmis en fonction des différents sujets abordés concernant le respect des Droits de l’Enfant.
Les inquiétudes actuelles de l’AFPS concernant le respect des Droits de l’Enfant s’observent à différents niveaux et dans plusieurs domaines.
Une tendance à la médicalisation des problèmes :
Face à certains problèmes tels que les troubles de comportement, les difficultés adaptatives ou des attitudes de violence, la tendance actuelle est de fournir une réponse uniquement médicale voire médicamenteuse au problème. Devant cette dérive qui perd de vue l’ensemble des paramètres pouvant intervenir dans tel ou tel trouble des conduites, nous préconisons une approche multidimensionnelle de chaque situation, des concertations d’équipes pluridisciplinaires et dénonçons la voie unique médicale comme réponse à toute difficulté comportementale. (cf l’augmentation des prescriptions de psychotropes pour les enfants, telle la Ritaline contre « l’hyperactivité » etc.. ou une mise sous traitement médicamenteux un peu trop systématique contre tout problème) Une difficulté psychologique n’induit pas forcément que l’enfant est « malade ». De nombreuses approches sont possibles pour réduire la difficulté, autre que l’approche médicale pure.
Une tendance à la prévention à outrance :
Sous prétexte d’actions de prévention (à propos du langage, du comportement, etc..) nous avons vu surgir ça et là dans les écoles ou dans certaines communes, de nombreuses maladresses dans la mise en œuvre de projets mettant en péril le respect de la vie privée de l’individu en particulier de l’enfant et de sa famille. Ces actions « pour le bien des enfants et de leur famille » ont fait abstraction de toute concertation avec les dites familles laissant le soin à d’autres, de pointer ou de discriminer les enfants « à risques » et leurs familles sans que celles-ci n’en soient informées.
Ces actions se font parfois chez des enfants très jeunes, stigmatisés très tôt, et sans tenir compte de leur rythme de développement parfois plus lents pour certains que pour d’autres.
On peut se poser la question du bien fondé d’une prévention où le risque « d’étiquetage » dès le plus jeune âge est grand et potentiellement dangereux quant à la discrimination et au non respect du rythme de développement de chaque enfant, notamment les plus démunis.
D’autre part, pour mener ces actions, il a été demandé, ça et là aux directeurs d’écoles de fournir des listes nominatives d’enfants (à l’administration comme aux communes) sans que les familles concernées n’en soient informées bafouant le droit au respect de la vie privée et de la liberté individuelle.
Nous dénonçons vivement de telles pratiques et demandons que toute action menée dans une école ou dans une commune auprès des familles se fasse en concertation avec elles et non sans elles. Que ces actions se mènent dans la transparence, avec explication du projet et de sa finalité aux principaux intéressés. Il est primordial que la famille soit actrice de son propre changement et non assistée, laissée aux bons soins de « professionnels » sans doute désignés comme plus compétents.
Nous sommes favorables à l’intervention précoce auprès des enfants en difficulté et de leur famille mais dans le respect de chacun et en les associant aux actions menées.
L’accroissement des demandes :
Nous observons une montée croissante des demandes d’aide psychologique auprès des enfants et de leur famille à l’école. Ces demandes émanent, certes des enseignants mais aussi de plus en plus fréquemment des parents eux mêmes et des enfants. Notre action, en matière de prévention ou d’accompagnement des difficultés quelles qu’elles soient, cognitive, affective, ou encore sociale dans le rapport à l’autre, s’avère renforcée mais de plus en plus précarisée, faute de moyen.
Cette situation rend difficile la possibilité pour tous et surtout les enfants et les familles les plus démunis de tirer bénéfice de la présence de psychologues dans le système éducatif.
Nous sommes en nombre insuffisant et ne pouvons pas faire face à l’ensemble des problèmes rencontrés. Bien des problèmes pourraient être réglés en amont si les moyens étaient suffisants. La plupart du temps, nous avons des secteurs d’environ 1500 élèves pour les plus chanceux, plus de 2000 pour les autres.
Au-delà de ces constats, nous estimons être des acteurs importants en terme de défense des Droits des enfants au sein de l’Education nationale .
Professionnels de l’écoute, nous sommes confrontés régulièrement à des situations de souffrance quotidienne, de maltraitance, de handicap ou de grande précarité et nous permettons à l’enfant de bénéficier d’un lieu où sa parole pourra être entendue à l’école.
Nous préconisons donc un accroissement du nombre de psychologues dans le système éducatif.
Une société en mouvance :
Les modes de vie évoluent rapidement. L’enfant doit s’y adapter et une certaine fragilité affective s’installe parfois. Les repères sont parfois ébranlés et le besoin d’aide psychologique s’en trouve accentué. Il nous paraît crucial que cette souffrance soit réellement prise en compte.
Bon nombre de signalement pour maltraitance restent encore sans effet car la souffrance psychologique n’est pas suffisamment reconnue.
Il nous paraît aussi très important de renforcer la vigilance de tous, partenaires et professionnels de l’enfance afin de mieux prendre en compte une souffrance parfois peu visible, évoluant à bas bruit mais néanmoins destructrice (cf taux de suicide en augmentation, conduites addictives ou passages à l’acte parfois très violents…)
L’éducation constituant un facteur majeur d’intégration et de lutte contre l’exclusion, nous soutenons le droit à la scolarité et à la réussite pour tous, notamment pour les enfants handicapés mais aussi pour les enfants dont les parents sont en situation irrégulière et se voient menacés d’expulsion. Les actions doivent encore s’améliorer.
Nous souhaiterions un partenariat renforcé, une plus grande concertation et une meilleure cohérence du travail entre tous les professionnels de l’enfance, dans le respect des compétences de chacun visant ainsi une complémentarité des prises en charge et une meilleure continuité des suivis.
A ce titre, les préconisations du COFRADE énoncées en 2005 (création d’un Ministère de l’Enfance, organisation d’Etats généraux de l’enfance, etc..) nous paraissent toujours d’actualité.