Editorial de la lettre AFPEN 2018-2 avril
Ça ne tombe pas du ciel !
“Je voudrais que tu le voies, il est tête en l’air” suivi de “Je voudrais que tu fasses un bilan”. Nous sommes nombreux, en tant que psychologues, à entendre ces ritournelles tout au long de la semaine.
Quoi de plus légitime comme demande de la part d’un enseignant face à un élève qui pose problème.
Cette demande qui nous est adressée est toujours à analyser, à décrypter.
Elle nécessite temporalité, rencontre avec la personne qui demande.
Dans le monde d’aujourd’hui, cette demande est parfois de plus en plus injonctive. Ce n’est plus une sollicitation mais quasiment une obligation : « je te demande de faire un bilan pour cette élève ! » et l’enseignant de rajouter « c’est pour une orientation ULIS, elle (ou il) est limitée, j’ai l’autorisation des parents ». Le diagnostic est posé d’emblée. Il n’y a plus qu’à confirmer avec notre « WISK » (comme certains l’écrivent), pas besoin de rencontrer la famille, ni de contextualiser l’affaire. Comme on le dit vulgairement : « emballé, c’est pesé ».
Résister, lutter, tenter de modifier les regards… sont des postures essentielles à la pratique de la psychologie dans une institution.
Une collègue, il y a peu, me faisait part de l’intervention de l’inspecteur de sa circonscription : « je vous demande de revoir le petit Lionel et de faire passer le subtest arithmétique, on en a besoin pour la CDOEA ».
Comment ne pas, parfois, se désespérer de la méconnaissance du sens de notre travail et de la non compréhension de nos gestes professionnels et de leur récupération?
Sans cesse, nous devons répéter, redire ce que nous faisons, comment nous travaillons, ce que nous pouvons apporter comme éclairage aux nombreuses situations qui font obstacles.
Notre nouveau statut doit nous aider en cela, et nous devons le revendiquer, désormais, face à une hiérarchie qui, parfois, ne respecterait pas les conditions nécessaires à une bonne pratique professionnelle.
Usons de l’arrêté du 26 avril 2017 publié au J.O. du 30 avril sur nos missions et qui fait explicitement appel à la déontologie des psychologues dès le 1er chapitre. C’est un cadre qui doit protéger notre exercice. Cette référence est une belle avancée.
Les actions que l’AFPEN poursuit et que vous allez découvrir dans cette lettre, s’inscrivent dans la défense et la pleine reconnaissance de la professionnalité des PsyEn.
Ainsi, l’AFPEN a été auditionnée par les services du défenseur des droits concernant la santé mentale des jeunes en France. Nous avons participé à la séance plénière du Conseil Économique Social et Environnemental sur l’accès au soin des jeunes. L’AFPEN était présente aux assises de la maternelle en mars dernier… Et nous poursuivons notre engagement pour qu’enfin la réglementation du code de déontologie puisse devenir une réalité.
Voilà quelques-unes des actions de notre association. C’est parce que vous lui faites toujours confiance que nous demeurons une force auprès des partenaires qui nous sollicitent de plus en plus. Notre profession est de plus en plus visible et de plus en plus reconnue.
Dans le même temps, l’AFPEN, s’engage aussi pleinement pour que les conditions d’exercice de notre métier puissent nous donner l’espace nécessaire à une pratique s’inscrivant dans le code de déontologie cosigné en 2012. Un des grands principes en est la protection du sujet. Car oui, ce qui nous importe au quotidien, et qui guide nos gestes, c’est d’être résolument du côté du sujet et de son intégrité psychique.
Adhérer à l’AFPEN, c’est la certitude d’être soutenu et réconforté dans l’exercice de sa profession telle que nous la portons au niveau national mais aussi local grâce au travail de vos délégués départementaux.
Au niveau national, nous avons rencontré l’association de nos collègues PsyEn du second degré, l’ACOPF. Conformément à la décision de notre dernière assemblée générale, nous construisons patiemment des actions communes à venir. Nous avons abordé avec eux la question de l’attaque dirigée actuellement contre les CIO et la question d’un possible redéploiement des personnels. L’AFPEN reste vigilante sur les actions en cours et apporte son soutien à nos collègues psychologues du second degré qui sont mis à l’épreuve.
Mais attention à la manipulation de collectifs qui voudraient faire croire que la création du corps des PsyEn est la source de tous les maux. C’est tout à fait le contraire, dans le second degré comme dans le premier. Sans notre nouveau statut, il n’est pas sûr que la profession de psychologue eût été préservée dans notre institution. Le ministère semble avoir reçu commande d’une suppression de 20 000 postes. Les « PE psy » que nous étions n’y auraient peut-être pas survécu. Continuons à être fiers de cette création qui nous protège et pour laquelle nous avons largement œuvré. Comme l’a écrit le chanteur, ce n’est pas « tombé du ciel ! »
Laurent Chazelas
Président Afpen
La lettre in extenso est à lire sur le site adhérent.