Un guide pour les psychiatres, psychologues et soignants de santé mentale
Fiche traduite & adaptée de Center for Study of Traumatic Stress, www.CSTSonline.org par S Guillaume, Ph Courtet, E Olié, Dpt UPUP CHU Montpellier grâce à la veille du Dr A Chevance (U Paris)
Avec l’aimable autorisation du CN2R qui autorise l’AFPEN, par la voix du Dr Sylvie Molenda, à diffuser ce guide utile pour les psyEN.
Le potentiel de propagation rapide des maladies infectieuses est une menace croissante. Dans les premiers stades d’une épidémie de maladie infectieuse telle que le Coronavirus (COVID-19), il y a souvent une incertitude quant à la nature de la maladie, sa propagation, sa portée et son impact. Cela est souvent source d’une détresse émotionnelle, même chez ceux qui n’ont pas été directement exposés à la maladie.
Les réactions psychologiques et comportementales les plus courantes sont les réactions de détresse (insomnie, anxiété, perception d’insécurité, colère, recherche de boucs émissaires et recours accru aux dispositifs de santé par crainte de la maladie) et des comportements à risque pour la santé (consommation accrue d’alcool et de tabac, modification de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, isolement social, augmentation des conflits familiaux et des comportements violents). Les enfants et les adolescents peuvent également être en détresse, ce qui peut se manifester par des troubles du comportement, un isolement social ou une baisse des résultats scolaires. Une minorité d’individus pourront dans ce contexte développer des troubles, tels qu’un épisode dépressif, un trouble anxieux ou un trouble de stress post-traumatique, qui nécessiteront un traitement spécifique.
Lors de l’épidémie de COVID-19, la plupart des patients souffrant de troubles mentaux vont vivre la situation de manière adéquate et certains pourront même améliorer leur fonctionnement face aux défis et aux besoins des autres. Cependant, les Professionnels de santé mentale sont susceptibles de rencontrer des patients dont la détresse émotionnelle est accrue en raison de l’impact de l’épidémie sur eux, leurs familles et leurs communautés.
Durant leur entretien avec leurs patients, les professionnels de santé mentale devraient :
1) reconnaître les préoccupations et les incertitudes concernant les maladies émergentes, 2) partager des connaissances médicales précises et opportunes,
3) aider le patient à identifier les mesures qu’il/elle peut prendre pour réduire sa détresse, et maintenir des comportements de santé sains, en particulier au niveau du sommeil.
Soutenir / conseiller les professionnels de santé
Les psychiatres doivent également jouer un rôle important en soutenant les professionnels de santé, en conseillant les décideurs sur les interventions favorisant des comportements responsables de la population et en aidant au maintien des acteurs essentiels de la vie communautaire (police, pompiers, écoles et familles).
Les éléments suivants peuvent aider à soutenir les patients pendant l’épidémie COVID-19 :
• Rester informé : obtenez les dernières informations sur l’épidémie auprès de ressources de santé publique crédibles, telles que les ARS (https://www.ars.sante.fr/), afin de fournir des informations précises à vos patients.
• Corriger la désinformation : la désinformation peut se répandre rapidement, provoquant un état d’alerte inutile. Si des patients vous présentent des informations inexactes concernant l’épidémie, corrigez leurs idées fausses et indiquez-leur des ressources de santé publique fiables.
• Limiter l’exposition aux médias : encouragez les patients à limiter l’exposition aux médias. La disponibilité de l’information en continu 24 h/ 24h n’aide pas à prendre de la distance. Il a été montré qu’une exposition médiatique excessive à un événement stressant augmente son impact délétère sur la santé mentale. Recommandez aux patients (et aux soignants) d’utiliser ponctuellement des sources médiatiques fiables et uniquement pour recueillir les informations nécessaires.
• Éduquer : de par leur fonction, les psychiatres peuvent influencer les comportements individuels en éduquant les patients, en collaborant avec les soins primaires et d’urgence et en conseillant les décideurs. Parmi les informations utiles, éduquez sur les réactions psychologiques et comportementales courantes en cas d’épidémies, sur les interventions pour gérer la détresse et les comportements à risque pour la santé, et sur l’importance d’une communication adaptée en ce qui concerne les risques (voir les ressources ci-dessous pour informations complémentaires sur ces sujets).
• Informer sur les réactions liées au stress : la détresse est fréquente dans le contexte de peur et d’incertitude provoquées par les épidémies :
a) Reconnaître et rassurer sur les réactions de stress (« Je vois que vous êtes stressé, et c’est compréhensible. Beaucoup de gens se sentent ainsi en ce moment »).
b) Apprendre aux patients à identifier leurs propres réactions de stress et leurs comportements à risque pour la santé, les encourager à s’autoévaluer et/ou à se faire aider pour cela par des membres de leur famille ou amis. La gestion précoce de ces réactions peut faire en sorte d’éviter qu’elles s’aggravent.
c) Discuter des stratégies visant à réduire le stress, notamment :
– i. Soyez prêt (par exemple, élaborer un plan d’action personnel/familial dans le contexte de l’épidémie).
– ii. Prendre des mesures préventives quotidiennes (par exemple, se laver fréquemment les mains, respecter les mesures barrières).
– iii. Ne pas manquer de sommeil, prendre des repas réguliers et faire de l’exercice.
– iv. Limiter la consommation d’alcool, de tabac et d’autres drogues.
– v. Parler à ses proches de ses inquiétudes et de ses préoccupations.
– vi. Pratiquer des exercices apaisants, notamment la respiration diaphragmatique et la relaxation musculaire.
– vii. S’adonner à des passe-temps et des activités agréables.
d) Faire appel à des spécialistes (psychiatre, psychologue) si un patient :
– i. Présente une détresse émotionnelle sévère,
– ii. Présente une récidive ou une aggravation d’un trouble psychologique préexistant.
Les soignants doivent identifier et soutenir les patients à risque
Les patients avec des idées délirantes, des pensées et des comportements obsessionnels compulsifs, des symptômes somatiques prédominants, d’autres symptômes actifs et incontrôlés, ou les patients qui ont été précédemment exposés à un traumatisme grave peuvent être particulièrement vulnérables.
Des contacts cliniques plus fréquents peuvent aider à répondre aux préoccupations émergentes, ce qui peut permettre d’éviter des exacerbations graves ou des hospitalisations. Veiller à ce que les patients disposent de réserves suffisantes de médicaments pour éviter l’interruption des prises, et les perturbations potentielles des chaînes d’approvisionnement des pharmacies.
Prenez soin de vous et de vos proches
Les soignants ne sont pas imperméables à la détresse émotionnelle durant une épidémie, et cette détresse peut être aggravée par la prise en charge de patients en détresse ou malades. Veillez à prendre soin de vous : vous hydrater, manger, dormir, faire des pauses, prendre des nouvelles de vos proches, pratiquer des stratégies de réduction du stress. Surveiller vos réactions au stress. Assurez-vous que votre institution dispose d’un plan pour surveiller le déroulement de l’épidémie et pour adapter les messages au respect des recommandations les plus récentes.